SoundShape : nouvelles solutions de création sonore

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SoundShape ? Une société de création sonore d'un nouveau genre. Celle-ci réunira sur une plateforme web les différents intervenants de la création sonore, afin de permettre aux créateurs de contenu vidéo d'exploiter leur créativité et de produire des messages impactants.

Les solutions offertes iront de la musique, à la voix off, des effets sonores au mixage. La plateforme SoundShape aujourd’hui est en dernière phase de test avec quelques clients triés sur le volet. François Fripiat, CTO, Tanguy Rowet, CEO, nous racontent le développement de leur start-up, depuis la première idée, il y a 8 ans, jusqu'à sa mise sur le marché prochaine.

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Quel a été ton parcours, François, avant la création de SoundShape ?

François: "Je suis passionné de son depuis mon adolescence. J'ai toujours voulu travailler dans le son, sans savoir de prime abord dans quel domaine. Je me suis d’abord initié dans les bouquins de mon demi-frère, ingénieur du son. Pendant mes études à l’HELB, j'ai fait un stage de fin d'études chez Sonicville (nouvellement Sonhouse) et un autre à Flagey. Dans la journée, j'étais chez Sonicville pour monter du son “à l’image” et le soir j'étais à Flagey pour mixer à des concerts. C’était intense. Je me suis rendu compte que la post-production sonore était ce qui me plaisait le plus. À la fin de mon stage, j'ai eu la chance d’être engagé chez Sonicville. Cela m’a permis de me frotter à tous les secteurs de la post-production sonore : publicité, cinéma, documentaires, doublage, direction technique, etc. Je me suis rendu compte, au fur et à mesure, de mon envie d'améliorer le travail des professionnel·le·s, qu’ils soient ingénieur·e·s du son, directeur·ice·s artistiques ou comédien·ne·s. Pour bouger les lignes, et mettre les créatif·ve·s et les technicienn·e·s au centre des projets, j’ai décidé de monter mes propres structures. J’ai créé une première société, Demute, un studio de création sonore pour contenus immersifs (jeux vidéo, installation) avec un haut savoir-faire technologique. Fort de cette expérience dans l’immersif, je reviens dans l’audiovisuel pour y appliquer les techniques et technologies du jeu vidéo."

Tanguy, peux-tu revenir sur ton parcours jusqu’à SoundShape ?

Tanguy: "J'ai un parcours complètement différent de celui de François. J’ai fait des études d’ingénieur de gestion à Louvain-La-Neuve. J'ai ensuite intégré une start-up belge dans la biotechnologie, lors d’un stage de six mois à San Francisco. Cela m'a permis d’avoir un premier avant-goût de l'entrepreneuriat. En rentrant en Belgique, j'ai choisi un parcours beaucoup plus traditionnel, dans une grosse société de consultance. Je me suis spécialisé dans la partie stratégie, le développement digital, et l’optimisation des process dans le secteur financier. Après cinq ans, je me suis rendu compte des frustrations qui peuvent exister quand on travaille pour une grosse structure. Les process sont très complexes, le moindre développement prend énormément de temps. On ne voit pas toujours l'impact concret qu'on a sur le projet. J’ai donc préféré me diriger vers une plus petite structure, où je ressens de manière directe ma contribution au projet en développement."

Qu’est-ce qui vous a amenés à collaborer autour du projet SoundShape ?

Tanguy: "Un ami à moi, actif dans un fonds d'investissement, m’a parlé de François. Celui-ci commençait à lever des fonds pour lancer sa deuxième société, SoundShape. Il recherchait un CEO. J'avais un attrait pour l'audiovisuel et la musique, c’était l’opportunité rêvée de pouvoir travailler dans l'industrie audiovisuelle. Selon moi, il est important, dans un projet entrepreneurial, d’être en phase avec le secteur du projet en question. François et moi sommes complémentaires, tout en étant alignés sur des valeurs de base."

Quel était le pitch de base de SoundShape lorsque vous vous êtes associés ?

François: "L’initiative était déjà dans mes tiroirs depuis huit ans. Je m’interrogeais beaucoup sur la nécessité de faire se déplacer les professionnel·le·s (ingénieur·e·s du son, comédien·ne·s) dans un studio pour la création sonore de vidéos corporate ou publicitaires. Pourquoi ne pas les faire travailler à distance ? D'un point de vue purement technique, c'était déjà possible mais ce n’était pas l’usage. Avec les développements récents, et ensuite les confinements à répétition, cette opportunité d’enregistrer à distance s’imposait de plus en plus. Mais il était impossible pour moi de gérer seul ce nouveau projet : j’étais occupé à mi-temps sur ma première société Demute. Et j’avais besoin d’un partenaire avec une sensibilité plus structurée et axée sur le “marché” et les problématiques des clients, alors que la mienne gravite autour de la technicité et du développement artistique du projet. Quand j’ai rencontré Tanguy, il a été évident pour moi qu’il pourrait endosser le rôle de CEO, étant donné notre complémentarité. Cette tension entre nos schémas de pensée nous permet de ne garder que le meilleur des deux. C'est essentiel d'un point de vue entrepreneurial. Cela nous a également permis de créer un langage commun : Tanguy découvre un nouveau marché, avec son approche analytique, tandis que de mon côté, je dois désapprendre certains stéréotypes encombrants que j’ai sur ce marché dans lequel j’évolue depuis toujours. Cette démarche de redécouverte du marché en allant interroger les directeurs artistiques, les ingénieur·e·s du son, les comédien·ne·s, est fondamentale."

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Cela vous permet de construire le projet et de clarifier votre proposition.

François: "À chaque étape, notre préoccupation est centrée sur les pensées et les besoins de nos clients. Nous nous interrogeons aussi beaucoup sur les termes précis à employer avec nos clients, pour qu’ils deviennent objectivables."

Tanguy, qu'est ce qui t’a séduit dans le projet SoundShape ?

Tanguy: "L'opportunité d’avoir un impact sur une industrie qui m'était inconnue jusqu’alors, et la complémentarité avec François. Cet équilibre entre business et créativité nous permet d’apporter des solutions uniques aux clients. Nous passons énormément de temps avec eux et co-créons le projet SoundShape ensemble. Toutes les solutions développées sont testées et validées en partenariat avec nos clients. Nous les intégrons à toutes les étapes, avec l’ambition de créer une solution qui réponde vraiment à leurs besoins."

Comment s’est concrétisée votre collaboration dans le développement du projet? 

François: "Tanguy est arrivé pour structurer le projet, alors que nous n’avions qu’une ébauche de projet et un embryon d’équipe."

Tanguy: "J’avais besoin d’appréhender le secteur en détail, étant donné que je faisais face à une nouvelle industrie. J’ai d’abord passé beaucoup de temps à rencontrer les différents acteurs de l'industrie, pour comprendre l'écosystème, les problèmes qu’ils rencontraient. Nous avons réussi à synthétiser quelques problèmes-clés, et imaginer des solutions pour les résoudre. Nous avons désigné des prototypes rudimentaires. Nous les avons testés avec nos clients. Ils ont validé certaines hypothèses, ce qui nous a conduits à restructurer et développer les solutions apportées en utilisant des nouvelles technologies, c’est-à-dire via une application web."

François: "Nous testons les solutions en les produisant, ce qui modifie à chaque fois notre postulat de départ. Nous avons développé une plateforme web qui va solutionner chacun des problèmes rencontrés par nos clients."

Nous parions que nous pouvons allier le meilleur de ces deux mondes, créativité et business, grâce aux technologies disponibles aujourd'hui.

Tanguy Rowet

Quel était le problème principal de vos clients, et comment allez-vous y répondre ?

Tanguy: "Nos clients sont, tout comme nous, à la recherche d’un équilibre entre créativité et business. Typiquement, ce sont des project managers dans des sociétés de production audiovisuelle. Ils doivent respecter des contraintes à la fois temporelles et budgétaires. Mais ils veulent aussi créer la meilleure vidéo possible et le message le plus impactant. Les solutions actuelles ne répondent pas de façon optimale à ces problématiques. Nous parions que nous pouvons allier le meilleur de ces deux mondes, créativité et business, grâce aux technologies disponibles aujourd'hui. Nous voulons proposer une solution où la créativité sera à son comble, tout en respectant les contraintes de temps et d'argent."

La solution proposée, c’est donc une plateforme qui permette de relier les professionnels de l’offre et de la demande sonore ?

François: "Notre méthode de travail est de rassembler les différent·e·s intervenant·e·s sur une seule plateforme. Il est important, d'un point de vue technique mais aussi business, d'éviter tous les moments sans valeur ajoutée au niveau artistique. L’organisation du travail (le partage de fichiers, la préparation technique du projet, l’organisation du planning, le budget ...) génère une énorme perte de temps qui pourrait être assignée au travail créatif. Via notre plateforme, nous rationnalisons et gérons ces aspects organisationnels, tandis que les professionnels du son (ingénieurs du son, comédiens,... ) peuvent se concentrer sur leur travail créatif."

Qui seront vos clients ? 

Tanguy: "Nous nous concentrons principalement sur les boîtes de production spécialisées dans les vidéos corporate et publicitaires. Ce sont elles qui rencontrent le plus de contraintes temporelles et budgétaires. Ces boîtes produisent jusqu’à 200 ou 300 projets par an. Cette répétition des processus nous permet d’apporter une réelle optimisation de leur workflow, des méthodologies de travail. Une maison de production qui produit une websérie par an rencontrera moins ce besoin d’optimisation car les processus de travail sont manufacturés, réfléchis différemment sur chaque projet en fonction des besoins."

François: "Cela ne nous empêchera pas de collaborer avec eux de façon plus “classique”."

Comment se passera concrètement l’interaction avec les sociétés de production ?

François: "Nous avons lancé la plateforme web il y a un mois et demi. Nous la testons pour l'instant avec une poignée de clients, dans l’idée de ne pas accroître notre activité trop vite. Nous voulons avoir atteint une solution optimale avant de répliquer le processus à plus grande échelle."

Vos clients auront-ils affaire uniquement avec l’interface informatique ou seront-ils servis par un interlocuteur en chair et en os ?

Tanguy: "Nous ne voulons pas devenir une plateforme uniquement digitale. La curation passera toujours par chez nous. Notre objectif est principalement de rassembler et de supprimer toutes les tâches sans valeur ajoutée au niveau artistique. C’est à cela que répond la plateforme : faciliter la prise du briefing, l’organisation du travail, la communication entre les différent·e·s interlocuteur·ice·s. La plateforme va centraliser l'information, mais derrière cette plateforme nous réunissons les différentes personnes qui vont réaliser le travail. Cet aspect humain est très important et ne peut pas être remplacé. Nous voulons donner les meilleurs outils aux créatif·ve·s pour qu’ils puissent délivrer le meilleur résultat final."

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Quels profils vont rejoindre l’équipe de SoundShape ?

François: "Nous travaillerons avec un pool assez restreint d’ingénieur·e·s du son sélectionné·e·s sur base de leur talent, qui adhèrent à nos méthodes de travail. Nous donnerons un cadre précis déterminant les outils utilisés, tout en leur laissant la possibilité de développer leur vision artistique. Nous travaillerons aussi avec des comédien·ne·s. L’idée, pour chaque projet, est de donner le script à trois voix-off sélectionnées en fonction des attentes du client. Le client pourra choisir la voix qu’il préfère. Les voix, comme les ingénieur·e·s du son, travailleront à partir de leur propre home studio."

Comment peut-on rationaliser un briefing ?

Tanguy: "Nous voulons projeter le client le plus rapidement possible dans une version proche du produit final. Se projeter plus vite dans la bande son, avant même d'avoir produit l'image ; permettre de valider en amont l’émotion proposée par la musique et la voix. C’est une solution qui est née de nos réflexions avec nos clients."

François: "La rationalisation du briefing est un de nos gros challenges justement, au niveau musical et au niveau de la voix. Quand on crée la voix et la musique, il n'y a pas encore l'image en général, il faut donc comprendre un brief sans avoir l’image, peut-être sans le texte final, sans l'image etc. Nous explorons beaucoup l’idée de créer un langage commun entre un client, un·e prestataire (ingénieur·e du son, musicien·ne ou voix) et un·e project manager. Demander “une musique légère” est interprétable. En fonction de chacun·e, cela aura une signification différente. Comment créer un langage commun pour que chacun·e comprenne le briefing ou un feedback de la même manière ? Il n'y a pas de vocabulaire sonore pour définir cela, il faut passer par d'autres prismes, d’autres stratagèmes, pour arriver à des éléments tangibles. La manière la plus simple de définir un langage commun, c’est le langage des émotions : parler des émotions générées quand tel son est entendu."

Tanguy: "Nos clients vont remplir un questionnaire qui recueillera différentes données : est-ce que la musique qu’ils cherchent est plutôt technologique, organique, énergique, calme ? Ils vont aussi définir les émotions que la vidéo doit générer. Sur base de leurs réponses, on va avoir beaucoup plus d'informations pour proposer une musique qui répond à leurs envies. Nous avons créé ce modèle en nous inspirant de nos recherches. Aux États-Unis, certain·e·s chercheur·se·s ont cartographié toutes les émotions qui existent dans la musique. Une boite en Belgique, MusiMap, a aussi essayé de le faire grâce à l'intelligence artificielle."

Est-ce que vos objectifs ont évolué au fil du temps ?

François: "Ce qui est amusant, c'est que si on demande aux professionnel·le·s comment améliorer leur travail, ils imagineront rarement la solution du premier coup. La solution, il faut la créer, la tester, l’améliorer constamment. Notre travail, en tant qu'entrepreneurs, c'est de comprendre, analyser les problématiques, imaginer comment les résoudre, de proposer des solutions, les adapter en fonction des feedbacks. Si la solution était simple à trouver, elle existerait déjà, non ? Une phrase d’Henry Ford (qui est ceci dit loin d'être un exemple en termes de management !) m’accompagne : « Si j'avais demandé quelles étaient les attentes à la fin du XIXème siècle, on m’aurait dit « des chevaux plus rapides ». Ce qu'il fallait comprendre, derrière les chevaux plus rapides, c’était comment déplacer les gens plus rapidement. » Cette translation, c’est celle de l’entrepreneur quand il cherche à apporter une solution innovante."

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