Le podcast, ce nouveau format qui n’a pas fini de faire parler de lui.

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Alors que les créateurs de podcasts natifs se multiplient depuis quelques années en Belgique, le format est pressenti comme la grande tendance de 2020. Le podcast* permet d’aborder des sujets plus variés avec une liberté dans le ton et dans le format qu’on ne retrouve pas dans les autres médias.

Si les marques et les annonceurs commencent à s’intéresser aux podcasts, les revenus publicitaires ne permettent pas encore aux créateurs.trices de podcasts belges indépendants d’assurer leur viabilité économique. La RTBF a été l’un des premiers acteurs à investir dans le format et continue aujourd'hui à financer, seule, des productions. 


(* Un podcast est un contenu audio disponible sur Internet et accessible via un ordinateur ou une application mobile.)

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Lucie Rezsöhazy, coordinatrice webdocumentaires & podcasts natifs à la RTBF, nous a parlé du phénomène des podcasts en Belgique. 

Le format du podcast natif commence à se développer en Belgique, comment voyez-vous son évolution dans notre pays?

Les initiatives indépendantes existent déjà depuis plusieurs années, qui sont menées par des passionnés du format, sans financement. Le format existe depuis que la technologie le permet (à savoir le flux RSS en 2002). Ce qui a changé en francophonie depuis 2-3 ans, c'est que des studios de production dédiés au podcast ont été créés, avec l'objectif de faire entendre des voix différentes des médias traditionnels, et de créer et structurer un marché : Nouvelles Ecoutes (cfr. interview ci-dessous), Louie Media, Binge Audio, pour ne citer que les plus connus. Parallèlement à cette structuration du marché, le format va se populariser grâce à la technologie et au mode de consommation du public (voir plus bas). La Belgique suivra vraisemblablement la même tendance, tant au niveau du public que des créateurs. De plus en plus de studios de production se créent, que ce soit à Bruxelles, Liège, Tournai ou Charleroi (alors qu'en France, la production est largement centrée sur Paris), et travaillent actuellement au développement et à la viabilité de leurs productions.

Quel est écosystème actuel autour de la production des contenus ?

En Belgique, pour l'instant, le marché est malheureusement inexistant. La RTBF a été l'un des premiers acteurs à investir dans le format en 2017 en produisant sa série "C'est Tout Meuf", qui a connu un beau succès (600k écoutes toutes plateformes confondues). Elle a ensuite lancé un appel à projets en collaboration avec la Fédération Wallonie-Bruxelles, à la suite duquel ont été produits "Salade Tout" et "Doulange", et elle continue aujourd'hui à financer, seule, des productions. Il n'existe pas de fonds public qui soutiennent le format. Au sein de la Fédération, le Fonds d'Aide à la Création Radiophonique (FACR) soutient la création sonore depuis des années, en se basant sur la diffusion linéaire ; il faut voir si ce fonds est amené à évoluer ou non.

En France (et aux Etats-Unis), l'écosystème ne compte d'ailleurs pas sur les fonds publics ; les studios de podcasts trouvent leur équilibre financier entre leurs productions propres, les productions "blanches" (pour les marques ou autre), les publicités, encore des partenariats avec des médias et plateformes existantes (productions pour les pure players ou la presse, ou pour des plateformes de streaming). A côté de ça, les plateformes de streaming se lancent également dans la production propre. Il faut voir si ce modèle est adaptable à la Belgique et son territoire bien plus petit.

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© RTBF / Salade Tout

Peut-on s'attendre à ce qu'ils deviennent aussi populaires que dans les pays anglo-saxons?

Plus que probablement. Chaque année, la popularisation du podcast augmente de manière exponentielle. Les études indiquent clairement que ce succès est particulièrement notable auprès des moins de 25 ans. Mais les générations plus âgées sont également conquises ; ceci étant lié, notamment au taux de pénétration croissant des smartphones, des voitures connectées et des enceintes connectées. Les études en 2018 ont montré que 40% du public français savait ce qu'était un podcast. L'année dernière, Google a lancé son application (Google Podcasts), qui est désormais inclue nativement sur Android. La même année, Spotify a investi plus de 250 millions d'euros dans le podcast (cfr. acquisition des plateformes de podcast, Gimlet Media et Anchor). Ce dernier devient la plateforme numéro 1 d'écoute de podcasts dans de nouveaux pays chaque mois. Tout ça participe à la démocratisation du format, même si son plus grand défi reste sa "trouvabilité" et sa distribution.

Qu'est-ce que peut apporter le format podcast qu'on ne retrouve pas dans les autres médias?

Le podcast est un format qui vient du web. Qui dit web dit liberté de ton et de format. Les premiers podcasteurs étaient des blogueurs, des geeks du net. Le ton était informel, décontracté, la production amateur ; exactement comme les YouTubeurs à leurs débuts.
Avec les années, certains se sont professionnalisés, la production s'est améliorée et aujourd'hui, l'éventail est large. Mais les podcasts natifs gardent leur essence : on n'est pas à la radio. Les productrices et producteurs de podcasts sont leurs propres maîtres, abordent les thématiques qu'elles ou ils souhaitent, sous des angles généralement spécifiques, qu'on ne retrouve pas dans les médias traditionnels. Une telle liberté et un tel accès permet plus de diversité, ce que les jeunes générations recherchent. En outre, au niveau du ton, l'hôtesse ou l'hôte du podcast incarne son propos, parle en "je", prend véritablement l'auditeur et l'auditrice par la main. Ceci a d'autant plus d'impact lorsque l'on sait que plus de la moitié des podcasts sont écoutés sur mobile (et donc vraisemblablement au casque). Le podcast est le média de l'intime par excellence. Il nous racontent des histoires personnifiées qui créent une connexion émotionnelle avec son public. 

Le podcast est aussi le format le mieux adapté à nos modes de vie actuels : nous consommons à la demande, en transit... Il suffit d'observer les gens dans la rue ; ils ont tous un casque sur les oreilles, ils ont une disponibilité inégalée pour l'audio.

Enfin, last but not least, alors que nous sommes noyés dans une infobésité ambiante et dans nos écrans omniprésents, le podcast est une manière agréable de s'informer sur des sujets spécifiques de manière posée, et surtout, nuancée.(...) Ceci concerne tant les podcasts dits "natifs", à savoir les podcasts produits nativement pour le web et les applications de podcasts, que les émissions de radio et la création radiophonique en général. Pour ces dernières, le podcast représente une opportunité.

Le podcast est une manière agréable de s'informer sur des sujets spécifiques de manière posée, et surtout, nuancée.

Lucie Rezsöhazy, coordinatrice webdocumentaires & podcasts natifs à la RTBF

Quelle est la stratégie de la RTBF suite à ces évolutions ?

La RTBF a l'intention de continuer d'investir dans la production de podcasts. C'est une volonté générale, mais la stratégie globale n'est pas encore définie. Au sein du département Fiction, les Fictions Digitales ont plusieurs projets en cours, et, dans la cellule documentaire (au sein du département Coproductions et Acquisitions), nous aurons plusieurs productions et appels à projets dans le courant 2020. Il y a aussi des initiatives internes au sein des radios, comme le podcast "Intelligence artificielle, la révolution" de Marie Vancutsem ou "Futur simple" de Hélène Maquet, tous deux soutenus par La Première. Le projet "Balance ta plume" de Tarmac est également amené à évoluer.

La RTBF vient également de lancer un autre podcast ce lundi 25/11, dans le cadre de la Journée internationale pour l'élimination des violences à l'encontre des femmes, et les 2 ans de #metoo. Le podcast “Dis-moi oui”, réalisé par Marie Charette, propose d'interroger nos conditionnements face à la sexualité et aux genres. 


Parallèlement, en France, le podcast a déjà une longueur d’avance et les initiatives affluent. Nous en avons discuté avec Nora Hissem, directrice de la communication et du marketing chez "Nouvelles Ecoutes".

Nouvelles Ecoutes est un des premiers studios de podcasts indépendants en France et fêtera ses 3 ans en décembre 2019. Ils  imaginent, produisent et distribuent à ce jour plus d’une quinzaine de programmes (La Poudre, Splash, Quoi de Meuf?, etc.) à travers lesquels ils tentent d’informer différemment et cherchent à avoir un impact social. Leurs programmes originaux posent un regard aiguisé sur la société, à travers des angles précis : féminisme, gastronomie, économie, entrepreneuriat, sport, pop-culture, philosophie, transmission ou encore sexualité. Nouvelles Ecoutes, c’est aussi une agence qui produit des contenus audios et podcasts pour des marques.

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© Nouvelles Écoutes

Comment les podcasts natifs de 'Nouvelles Écoutes' sont-ils monétisés? En France, est-ce possible pour un podcast de s'auto-financer complètement, d'être créateur.trices d'un podcast comme activité principale? 

Oui c’est possible, Nouvelles Ecoutes est un studio de podcasts entièrement indépendant. Notre business model s’articule autour de 3 grands axes :

  • Le brand content* 

  • La vente de publicité en pré-roll à des annonceurs dûment sélectionnés

  • La vente de droits de diffusion exclusifs 

Ces 3 activités commerciales permettent à Nouvelles Ecoutes d’assurer la production de ses podcasts natifs en toute indépendance et de proposer des programmes à la fois engagés et ambitieux en termes de concepts éditoriaux et de création sonore.

(*studio de création audio pour les marques, les médias et les institutions.)

On voit aussi des formats encore peu exploités émergés, notamment le podcast de fiction, qui pourrait prendre la même ampleur que la fiction au cinéma.

Nora Hissem, directrice de la communication et du marketing chez "Nouvelles Ecoutes".

Selon vous, qu'est ce que le format podcast offre comme liberté qu'on ne retrouve pas dans les autres médias?

Le podcast permet de casser des codes. Il n’est plus question de rythme, de coupure publicitaire ou du fameux ton journalistique. On peut choisir de publier un format de 2min ou de 1h en fonction de ce qu’on a à dire. C’est une liberté totale sur le format mais aussi dans le choix de ses invité.e.s, de ses sujets ou de ses chroniqueuses.eurs. Nous venons par exemple de lancer  « Du côté de Chez Sam » qu’on aime bien qualifier d’anti-talk politique ! Avec ce podcast nous avons la liberté de prendre le contre-pied des plateaux et des débats politiques toujours composés des mêmes personnes. Ce talk hebdomadaire animé par la journaliste Dolores Bakèla réunit des personnalités singulières pour débattre et suivre d’un point de vue frais et inclusif la prochaine élection présidentielle américaine.

Il en est de même pour un podcast comme Quouïr qui a embrassé les sujets du coming out et de la PMA à travers des récits personnels; ou Impatiente  qui traite des injonctions à la féminité pour les malades du cancer du sein. Des sujets qui sont peu ou pas traités par les médias traditionnels, et dont les voix des premier.ières concernés.ées ne sont que très rarement entendues.

© Nouvelles Écoutes
© Nouvelles Écoutes

Avez-vous des chiffres quant à l'audience quotidienne des podcasts que vous produisez?

Nous ne communiquons pas sur une moyenne d’écoute quotidienne de nos podcasts. Néanmoins, l’écoute des podcasts se démocratise et nous le voyons fortement dans les écoutes! 

Le nombre d’écoutes sur les 3 premiers trimestres de 2019 est en croissance de 100% par rapport à la même période en 2018. Et en 2019, nos épisodes font en moyenne entre 85% et 100% d’écoutes en plus que ceux de 2018 sur les écoutes des 7 premiers jours. Le format intéresse de plus en plus de gens et nous comptons de plus en plus d’auditeurs et d’auditrices.

Comment est-ce que vous imaginez l'évolution du média podcast dans les 10 prochaines années? 

Si l’on s’attache à ce qui se passe aux Etats-Unis, plus d’un quart de la population étaient des consommateurs mensuels de podcasts en 2018, et les chiffres continuent de croître. Les chiffres en France ne sont pas encore de cette échelle mais on voit un intérêt grandissant pour ce format. Dans les faits, l’arrivée de nouveaux acteurs d’hébergement et de distribution de podcasts comme Magelan montre les perspectives de croissance du marché des podcasts en France. On voit aussi des formats encore peu exploités émerger, notamment le podcast de fiction, qui pourrait prendre la même ampleur que la fiction au cinéma. Preuve en est : nous sortirons en janvier 2020 une fiction à grande échelle, diffusée exclusivement sur Spotify, dont le rôle principal sera tenu par l’actrice française Emmanuelle Devos.


Découvrez prochainement les interviews de créateurs.rices de postcast belges (à suivre sur mediarte.be).

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