Rencontre avec Lydwine Thibaut, fondatrice de Cocorico et conseillère en orientation

Lydwine Thibaut est la fondatrice de Cocorico-searching où elle est conseillère en orientation. Cocorico, ce sont des ateliers et un espace de co-searching pour faciliter l'envolée sauvage de tous les gallinacés en transit. A terme, Cocorico veut aussi devenir une plateforme de réflexion sur l'avenir du travail et ses nouveaux modèles à inventer. Nous avons rencontré Lydwine pour parler de la réorientation de carrière et des transitions actuelles dans le monde du travail.
 

Lydwine

Quels sont les signes qui montrent qu’il est temps de se réorienter?

Les signes les plus courants sont l’ennui, la perte de motivation ou de sens dans son travail.
Se réorienter ne signifie pas forcément changer de métier. Parfois, il suffit juste changer de cadre, d'environnement de travail ou encore d'équipe.

Dans les métiers plus créatifs ou artistiques, on rencontre souvent des personnes qui essaient de percer depuis plusieurs années, sans évolution marquante dans leur carrière. Ils se rendent compte qu’il est temps de se poser des questions ou de creuser.

Quelles sont les raisons pour lesquelles les gens décident de se réorienter? Quels types de profil rencontres-tu?

Des personnes qui ont vécu un burn-out, qui sont en quête de sens ou qui vivent dans la précarité et qui se ne peuvent plus se contenter de leur faible revenu. Ils se posent la question de savoir si cela vaut la peine de persévérer dans leur carrière ou si c’est le moment d’envisager autre chose.

Ils nous arrivent de croiser des personnes de 40, 50 ans qui veulent changer totalement de voie. Il est alors important pour eux de vérifier si leur fantasme correspond à une véritable motivation. Par exemple, une femme de 40 ans qui veut quitter son entreprise pour devenir fleuriste. Son argument: “j'ai envie de m'amuser au boulot”. C’est un bon point de départ, mais ça mérite d'être creusé! 

On rencontre beaucoup de jeunes trentenaires qui, après quelques expériences de travail, sont déçus et se retrouvent en quête de sens. Ils aspirent à d’autres valeurs et à un mode de vie plus simple. 

Un autre profil qu’on retrouve, c’est les jeunes parents en recherche d'équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle. Ils souhaitent, par exemple, trouver un travail à temps partiel, souvent dans le social ou l'humain.

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Quels sont les obstacles auxquels les gens font face ?

Les personnes font face à différentes difficultés, en fonction de leur personnalité. Les obstacles peuvent être liés à la pression sociale suite au changement de carrière, aux croyances, à la peur de perdre un certain confort de vie. Certains ont peur de changer de secteur car ils ont l'impression de ne pas avoir de légitimité pour travailler dans cet autre secteur. D’autres pensent qu’ils ne peuvent pas lier le plaisir avec le travail. Ils ont l’idée que le travail doit forcément être quelque chose d’éprouvant. 

Quelles sont les bonnes questions à se poser ?

  • pourquoi ce besoin de changement ?
  • pourquoi maintenant ?
  • quels besoins je cherche à satisfaire avec ce nouveau projet / travail ?
  • qu'est-ce que j'aime ?
  • en quoi je suis bon ?
  • qu'est-ce qui fait sens pour moi et nourrit un sentiment d'utilité ?
  • comment rendre ce projet viable ?
     

Vers qui peut-on se tourner?

Vers des coachs en tout genre, des coopératives d'activité pour ceux qui veulent se lancer comme indépendant, des structures d'accompagnement de carrière ou encore actiris.

Es-tu plutôt en faveur d’une transition douce ou radicale?  

Cela dépend du tempérament de la personne et d’où en est la personne dans sa vie. Si c’est un jeune qui n'a rien à perdre et qui n’a pas froid aux yeux, je l'encourage à foncer. Par contre, si on fait face à quelqu’un avec des jeunes enfants et un crédit, j'opterais pour la transition douce, en commençant par être indépendant complémentaire. De nouveau, c'est vraiment une question de tempérament: à quel point est-on à l'aise avec la prise de risque ? Certaines personnes ont plus d'énergie pour un 180° radical et sont entraînés par l'adrénaline du grand saut.

On remarque que c’est dans l'air du temps de se réorienter plusieurs fois. Sommes-nous une génération de ‘zappeur’ ? 

C'est en tout cas la nouvelle façon d'envisager le travail. Plus qu'un effet de mode, c'est un nouveau rapport au travail.

Selon moi, le travail est devenu ce qui nous permet de nous épanouir, là où avant c'était une façon de gagner sa vie et d'avoir un statut social, une place dans la société. Il y aussi une certaine pression de la société qui nous pousse à être épanoui dans son travail. On est dans le culte de l'individu et du bonheur, ça parait donc logique d'avoir envie d’aimer son job, quitte à ce que ça signifie que l’on doive changer plusieurs fois. Il faut faire attention à ne pas tomber dans l’extrême: certaines personnes souhaitent changer pour trouver encore mieux alors qu'elles sont déjà très bien.

Comment perçois-tu cette transition du monde du travail ? Quels sont les aspects positifs que tu identifies ?

Cette transition se reflète dans notre société par une quête de sens, une recherche d'équilibre avec la vie privée. Elle est en partie due à l’arrivée de l'intelligence artificielle qui a un impact sur les métiers, et par conséquent, sur les formations. Les gens sont à la recherche d'autonomie: gouvernance partagée, télétravail, agilité, nomadisme.

Les aspects positifs de cette transition résident dans le fait que les gens deviennent acteurs et qu’ils valorisent leur potentiel pour le mettre au service de la société. Si je fais cette activité, c’est justement pour faire prendre conscience que le travail est une construction sociale. Si on a toujours fait les choses d’une certaine manière, cela signifie aussi qu'on peut faire autrement. 

Ce qui est également positif, c’est qu’on va vers une transition de la définition de la notion d'emploi, qui n’est plus simplement égale à une “activité rémunérée”. Quid de la reconnaissance des activités qui sont du travail mais pas encore de l'emploi ? Quid du salaire universel de base ?

Dernièrement, cette transition est positive si on parvient à créer des métiers sur base des atouts des gens et pas sur base des besoins du marché. En somme, il faudrait faire en sorte que le marché du travail soit au service du développement de l'humain et pas l'homme au service de l'emploi.


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